Des physiciens estiment qu’il y a jusqu’à 90 % de chances que nous soyons témoins de l’explosion d’un trou noir au cours de la prochaine décennie. Ce phénomène cosmique extraordinaire, longtemps considéré comme rarissime, pourrait non seulement être détecté par nos télescopes actuels, mais aussi résoudre certains des plus grands mystères de l’univers, comme la nature de la matière noire. Une récente détection d’un neutrino à l’énergie record pourrait même être le premier indice de cet événement imminent.
Trous noirs primordiaux : les principaux suspects
Il existe deux types de trous noirs. Les plus connus, les trous noirs stellaires, naissent de l’effondrement d’étoiles massives en fin de vie. Leur masse est généralement comprise entre 3 et 50 fois celle du Soleil. Lorsqu’une étoile épuise son combustible, elle explose en supernova, laissant derrière elle une région de l’espace si dense que rien, pas même la lumière, ne peut s’en échapper.
À l’inverse, les trous noirs primordiaux (TNP) sont des objets purement théoriques. Ils se seraient formés moins d’une seconde après le Big Bang à partir de fluctuations de densité extrêmes dans l’univers primitif. Contrairement à leurs cousins stellaires, ils pourraient être beaucoup plus légers et constituent d’anciennes reliques d’une époque où l’univers n’était composé que d’hydrogène et d’hélium. Ce sont ces TNP qui sont au cœur des nouvelles prédictions.
Le rayonnement de Hawking et une nouvelle théorie électrique
Bien que les trous noirs soient réputés pour tout absorber, le physicien Stephen Hawking a démontré en 1974 qu’ils s’évaporaient lentement par un processus appelé rayonnement de Hawking. Selon sa théorie, plus un trou noir est léger, plus il devient chaud et plus il émet de particules. Cette émission s’accélère à mesure que le trou noir perd de la masse, dans un processus d’emballement qui culmine en une explosion finale.
Jusqu’à présent, les scientifiques estimaient que de telles explosions ne se produisaient qu’une fois tous les 100 000 ans. Cependant, une nouvelle étude publiée dans la revue Physical Review Letters suggère que nous pourrions assister à ce spectacle beaucoup plus tôt. « Nous pensons qu’il y a jusqu’à 90 % de chances d’observer un trou noir en explosion dans les 10 prochaines années », a déclaré Aidan Symons, doctorant à l’Université du Massachusetts.
La clé de cette nouvelle prédiction réside dans une hypothèse audacieuse concernant les propriétés électriques des trous noirs primordiaux. Alors que les modèles standards supposent qu’ils sont électriquement neutres, l’équipe de recherche a exploré la possibilité qu’ils se soient formés avec une minuscule charge électrique sombre. Cette charge serait portée par des particules hypothétiques, les « électrons sombres », interagissant via des forces électromagnétiques sombres. Selon leur modèle, cette charge stabiliserait temporairement le trou noir avant son explosion finale, augmentant considérablement la probabilité d’en observer une, la faisant passer d’un événement par millénaire à potentiellement un par décennie.
Un neutrino record comme première preuve ?
Cette théorie trouve un écho particulier dans une observation récente. Des scientifiques ont détecté un neutrino – une particule fantôme qui traverse la matière presque sans interaction – avec la plus haute énergie jamais enregistrée. L’origine de cette particule surpuissante reste un mystère.
Dans un autre article publié dans Physical Review Letters, des physiciens du MIT proposent que ce neutrino pourrait être le produit du « dernier souffle » d’un trou noir primordial en pleine explosion. Si cette hypothèse se confirme, cette détection serait la toute première preuve observationnelle du rayonnement de Hawking.
Les enjeux d’une future découverte
L’observation d’une telle explosion ne serait pas seulement un spectacle lumineux. Elle fournirait aux scientifiques un catalogue complet de toutes les particules subatomiques existantes. Cela inclurait non seulement les particules déjà connues comme les électrons, les quarks et le boson de Higgs, mais aussi des particules encore non détectées, qui pourraient constituer la fameuse matière noire.
L’équipe insiste sur le fait que, bien qu’une explosion ne soit pas garantie, la forte probabilité justifie une surveillance accrue. Heureusement, nos télescopes spatiaux et terrestres actuels sont déjà assez puissants pour capter les signes révélateurs du rayonnement de Hawking émis par un trou noir primordial. Si leurs calculs sont corrects, nous pourrions être sur le point de faire la lumière sur l’une de nos plus anciennes questions : quelle est l’origine de l’univers ?